
Dans une relecture d’Hansel et Gretel, le célèbre conte des frères Grimm, Suzanne Lebeau dialogue avec sa propre enfance et avec les enfants qu’elle voit grandir autour d’elle. Elle évoque le désir puissant et rarement avoué d’être l’unique objet de l’amour des parents. Le choc existentiel que provoque l’arrivée d’un deuxième fait naître une relation amour-haine aussi délicieuse que troublante…
Par la voix d’un théâtre audacieux, le conte, qui permet tous les excès et tous les possibles, place les personnages dans des situations extrêmes. Pauvreté, abandon dans la forêt, risque d’être dévoré : le lien fraternel est durement mis à l’épreuve, jusqu’au paradoxe.
En sortira-t-il transformé ?
Scénographie et mise en scène
La compagnie donne vie au conte “Gretel et Hansel” en créant un langage visuel à partir du théâtre d’objets. Des objets du quotidien, détournés de leur fonction, deviennent des images évocatrices qui stimulent l’imaginaire. L’univers poétique et ludique réenchante le monde, suscite l’émerveillement et invite à la rêverie.

La maison de Gretel et Hansel.
Deux grands livres ouverts en position verticale représentent l’intérieur d’une maison vétuste. Du papier kraft, du carton et du papier recyclé servent à créer les éléments du décor.
La maison de la sorcière
Un livre posé sur sa tranche forme la façade, un autre le toit. L’intérieur est entièrement sculpté.



La forêt
Des pages de livres figurent les arbres morts, le feu, la lune et la neige. Ce décor poétique, parfois effrayant, illustre le moment de l’abandon. Les personnages prennent forme à partir d’objets usuels, et le poêle devient une marionnette.
Création sonore et musicale
Le spectacle s’appuie sur des bruitages, des musiques et des ambiances sonores pour plonger le spectateur dans le conte. Ces éléments accompagnent la dramaturgie, soulignent les tensions, le merveilleux et l’humour propre au théâtre d’objet.
Lumière
L’éclairage caractérise les espaces et crée des reliefs en s’intégrant aux décors : la maison de Gretel et Hansel, la forêt, la maison de la sorcière. Il accompagne les moments forts de l’histoire — l’abandon, la peur, le cauchemar — et sert la narration. Certaines techniques, comme la lumière noire, permettent de composer des tableaux poétiques et légèrement inquiétants, pour éveiller chez les jeunes spectateurs le goût du frisson.


Jeu
Le spectacle privilégie un jeu simple et naturel. Une attention particulière est portée à la transmission du texte, à sa poésie et à son rythme. Le travail sur les différentes adresses — conteur, public, partenaire — s’articule avec l’écriture des scènes marionnettiques.
Note d’intention
J’ai découvert l’écriture de Suzanne Lebeau lors d’actions pédagogiques menées dans le cadre de l’éducation populaire à l’école, avec l’OCCE Occitanie. En tant qu’artiste pédagogue, j’intervenais dans les écoles pour faire découvrir ses pièces : L’Ogrelet, Contes d’enfants réels, Salvador… En collaboration avec les enseignants, je créais un projet théâtral avec les enfants, avec pour objectif une restitution publique devant les familles et les classes.
L’autrice aborde des sujets sensibles — guerre, inceste, abandon — avec une écriture poétique, une parole libre et un imaginaire puissant. Ces éléments résonnent autant chez les enfants que chez les adultes. Après cette expérience, j’ai eu envie de monter Gretel et Hansel. Le projet a été repoussé pour plusieurs raisons.
J’ai travaillé avec d’autres compagnies, participé à des stages de formation, et fondé la Cie Chat Perché. J’avais envie d’explorer l’univers des contes à travers différentes écritures scéniques : adaptation d’albums jeunesse, fables écologiques en marionnettes… Puis, la parentalité joyeuse est entrée dans ma vie, soulevant des questions qui font écho à la pièce : Comment faire famille ? Comment les enfants s’affranchissent-ils des besoins de leurs parents pour créer leurs propres liens ?
Aujourd’hui, je souhaite approfondir mes recherches artistiques autour du théâtre d’objet, de la marionnette et de la dramaturgie. Ce spectacle s’inscrit dans une démarche de théâtre social, en lien avec des acteurs du champ éducatif et social, pour interroger ensemble la parentalité.
Anouchka Pasturel

SUZANNE LEBEAU
BIOGRAPHIE
Suzanne Lebeau, née au Québec, se destine à une carrière d’actrice. Mais après avoir fondé la compagnie de théâtre Le Carrousel à Montréal avec Gervais Gaudreault en 1975, elle délaisse l’interprétation pour se consacrer à l’écriture. Aujourd’hui, elle a plus de quarante pièces originales, trois adaptations et plusieurs traductions à son actif et est reconnue internationalement comme l’un des chefs de file de la dramaturgie pour jeunes publics.
Elle compte parmi les auteurs québécois les plus joués à travers le monde, avec plus de 400 productions répertoriées sur tous les continents. Ses œuvres sont traduites en 31 langues et publiées dans de nombreux pays. Une lune entre deux maisons (la première pièce canadienne écrite spécifiquement pour la petite enfance), L’Ogrelet et Le bruit des os qui craquent ont été traduites respectivement en six, treize et dix langues.
Suzanne Lebeau a enseigné l’écriture pour jeunes publics à l’École nationale de théâtre du Canada pendant treize ans et elle intervient comme conseillère auprès des jeunes auteurs d’ici et d’ailleurs.